15.06.2019

Musique Atelier Interview

Sonopopée, jeune collectif artistique engagé dans l’éducation au sonore

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Interview

Vivien Trelcat, directeur artistique de Sonopopée, évoque avec nous les nouveaux dispositifs éducatifs conçus par son collectif. Diffusés notamment lors d’ateliers sous forme de goûter sonore jeune public, leur objectif est clair : stimuler le plaisir de l’écoute et initier à la pratique des musiques amplifiées.

 

Quel est le champ d’action du collectif Sonopopée ?

Sonopopée est un jeune collectif qui regroupe des individus ayant chacun des complémentarités dans un triptyque artistique, technique et pédagogie autour des problématiques liées à la création sonore, aux lutheries informatiques, électroniques, électroacoustiques et hybrides.

Sonopopée intervient aussi bien sous forme de conseil, que dans la réalisation d’outils spécifiques pour la création, la composition pour la scène et l’élaboration d’œuvres interactives à vocations pédagogiques et ludiques. La médiation et la transmission de notre goût pour l’expérimentation sonore, ainsi que notre conviction en la vertu pédagogique de celle-ci sont au cœur de nos préoccupations.

Nos collaborations et interventions se font aussi bien dans le domaine des arts plastiques et visuels, que ceux des musiques actuelles, contemporaines et improvisées, ainsi que dans le spectacle vivant.

 

Sur quel territoire et dans quels types de lieux diffusez-vous vos projets ?

Nous n’avons pas pour intention de limiter nos projets à un territoire en particulier, celui-ci se laisse guider par les rencontres et les appels à projets. Néanmoins, nous nous développons en particulier sur le territoire de la région Grand Est et plus particulièrement sur l’ancienne Champagne-Ardenne. Nous avons accédé il y a un an au dispositif DesignR de l’ESAD de Reims, nous permettant d’intégrer pour un temps leur pépinière d’incubation. Cela nous permet de développer dans les meilleures conditions l’activité du collectif. A partir de la saison prochaine, nous intégrons également l’équipe pédagogique de l’école d’art pour y assurer les cours de création sonore.

Nous diffusons nos projets dans les établissements pédagogiques (Education Nationale, écoles de musique) ainsi que dans les lieux de créations, notamment dans le cadre de leurs festivals. Des œuvres comme le Mémoriff peuvent aussi être louées par des particuliers

Nous travaillons avec la plupart des structures culturelles du Grand Reims (Césaré, Jazzus, le Centre de Création pour l’Enfance, la Cartonnerie, Saintex, etc.), mais nous essayons au maximum d’intervenir sur un territoire varié, rurale et urbain. Ce fut notamment le cas lors de notre collaboration de 3 ans avec le Château du Grand Jardin de Joinville (52), pour la réalisation d’œuvres interactives musicographiques et mener des ateliers de créations sonores, notamment auprès de l’école de musique.

 

Comment les nouvelles lutheries peuvent-elles renforcer la transmission à destination des jeunes publics ?

Les nouvelles lutheries permettent de créer des instruments sur-mesure, adaptés au profil des destinataires.

Le contexte de jeu (instrument à jouer en groupe, seul ou accompagné), l’éventuel handicap des joueurs et le niveau de pratique et de connaissance musicale sont pris en compte dans l’élaboration de l’instrument ou de l’œuvre interactive. Cela nous permet d’adapter son ergonomie, afin de faciliter la prise en main, en visant toujours une manipulation intuitive et rapide.

Les nouvelles lutheries permettent aussi de s’émanciper de la notion traditionnelle d’instrument et de son apprentissage. L’absence de connaissances en solfège ou de notions musicales peuvent être prises en compte, afin de ne pas être un handicap et d’offrir un plaisir et une prise en main immédiate. On peut y intégrer de l’intelligence artificielle, créer des instruments qui peuvent se jouer à plusieurs, s’adapter au public et évoluer en même temps que l’expérience et les connaissances du manipulateur.

Enfin, les nouvelles lutheries offrent des solutions pédagogiques pour la création sonore, rendant plus faciles et immédiates la confection et la manipulation de sons, grâce à la confection de stations de contrôle et de logiciels qui permettent aux élèves de pratiquer en sortant de l’interface « souris/ordinateur », avec des logiciels souvent inadaptés et complexes de prise en main.

 

Quel est le principe du Mémoriff et comment celui-ci est-il perçu ?

Comme son nom l’indique, le Mémoriff est un jeu interactif inspiré du jeu de carte Mémory. Ici, il faut appairer des sons, des phrases musicales, à l’aide d’une interface tactile lumineuse. Il se joue de 2 à 4 joueurs (ou 4 petits groupes) et comporte différents niveaux pour s’adapter au profil et à l’expérience des joueurs. L’interface se veut conviviale. Elle se présente sous forme d’une table basse en bois, au look de borne d’arcade, qui se contrôle uniquement par des boutons et des retours lumineux. Il n’y a pas d’écran. Le son sort des enceintes situées à ses quatre coins, mais il est aussi possible d’y jouer au casque.

Ce jeu a remporté un succès inattendu, notamment auprès des plus jeunes qui se l’approprient immédiatement. Chez les adultes, l’approche se fait souvent en 2 phases, une phase d’appréhension, (« Je vais être nul. »), puis la phase d’adhésion (« Finalement, je ne suis pas si nul. »).

Nous avons remarqué qu’il y a plusieurs raisons pour cet engouement, car il y a plusieurs niveaux de satisfaction. En effet le Mémoriff peut-être tantôt un espace de jeu, de compétition, d’entraide et de partage, ou de découvertes sonores. Tout ceci en faisant tomber les barrières liées à l’âge, puisque ce paramètre n’intervient guère dans votre niveau de « performance ».

Par ailleurs, la mise en œuvre et la prise en main sont immédiates grâce à une ergonomie simple.

Enfin, l’objet en lui-même est contextualisable et évolutif, puisque les « playlists » de sons et donc les modes de jeux, peuvent être changés à la demande (utiliser les musiques de la programmation d’un festival, du contenu pédagogique, des sons créés par les enfants lors d’un atelier).

Travaillez-vous sur d’autres jeux musicaux et installations interactives stimulant le plaisir de l’écoute ou initiant à la pratique des musiques amplifiées ?

Dans le cadre de la Nuit Numérique #15 de Saintex, nous avons créé l’œuvre DeOratore. On peut résumer ici cette œuvre en disant qu’il s’agit d’un studio vintage de création sonore, avec des lecteurs a bande, une reverb à ressort, un haut-parleur tournant « cabine Leslie » et d’autre effets analogiques pilotés par les visiteurs, grâce à des boites d’interactions munies de capteurs. Le public peut ainsi agir sur une bande son créée en direct.

Nous avons aussi une thématique que l’on pourrait qualifier de capillaire, avec des œuvres comme Station’hair et Coupes et boucles. La première consiste en un casque à permanente des années 60 transformé en casque sonore multiphonique (son « 3D ») ou le participant est invité à manipuler des sons à l’aide d’une manette de jeu vidéo. Il peut ainsi être immergé dans sa création musicale ou se faire son propre massage sonore. Coupes et boucles quant à lui est une station de remodelage du son qui permet de créer des boucles « à l’aveugle » à partir de divers morceaux de musique et de les manipuler (changement de vitesse, de hauteur, de grain…) On peut ainsi seul ou en groupe, créer et jouer rapidement avec une texture afin de concevoir une bande son.

La Kinect de Microsoft (capteur de mouvements 3D, non-embarqué) nous a aussi permis de créer une suite de logiciels offrant plusieurs scenaris d’interactivités pour nos ateliers.

 

Quels sont les éléments essentiels d’un projet d’éducation au sonore réussi chez Sonopopée ?

Il doit permettre à tous les participants d’expérimenter, de jouer librement quel que soit sa culture sonore et sa connaissance musicale. Les lutheries misent à disposition doivent offrir une prise en main rapide, stable et ludique. C’est un point crucial dans l’expérimentation. Nous travaillons sur des prototypes, des instruments usinés de manières artisanales, mais nous veillons à mettre en main des outils stables avec une mise en œuvre simple (ce qui n’évite malheureusement jamais un petit bug).

Au-delà du plaisir de jeu et de la curiosité que nous tachons de susciter, nous pensons qu’un projet éducatif est pleinement réussi quand les outils mis en place offrent des manipulations claires, quand on peut facilement comprendre ce que l’on fait sur le son. Cela va de même pour les ateliers de création : les élèves doivent comprendre et entendre ce qu’ils ont produit, même si le résultat peut sonner moins « pro », moins aboutit que si un créateur/pédagogue était passé derrière pour tout produire et finaliser à sa manière.

contact@sonopopee.com